Pour la fratrie : « Y’a un truc qui va pas! »

Qui ? Nous relayons ici une initiative de l'association PromesseS, conçue par Hélène Davtian et Marie Koening, docteures en psychologie, qui s'adresse d'abord à des proches de personnes touchées par le trouble psychique schizophrénique, mais nous pensons qu'il y a...

Informer et former à la thérapie GPM

8 Jan 2022 | Articles pour les proches de personnes TPL

Le 27 novembre 2021, un colloque réunissait plus de 200 professionnels de santé autour de la prise en charge du trouble de la personnalité borderline, de quoi donner espoir à tous les proches de patients.  

 

J’ai eu la chance d’assister, en tant que membre actif de l’association Connexions Familiales, à un colloque passionnant sur le traitement du TPB (trouble de la personnalité borderline ) dispensé par des spécialistes hospitaliers : le Dr Patrick CHARBON, (formateur officiel BPDTI, Mc Lean Hospital, Boston), le Pr Nader PERROUD (Hôpitaux Universitaires de Genève), et le Pr Mario SPERANZA (Centre Hospitalier et Universitaire de Versailles), colloque qui a rassemblé à Versailles quelques 200 soignants, psychiatres en formation, médecins, psychologues et travailleurs sociaux venus de la France entière, ainsi qu’une dizaine de membres de notre association Connexions familiales, laquelle a contribué à l’organisation de cette rencontre.

Expliquer et balayer les idées reçues

Les objectifs de ce colloque étaient en premier lieu  d’exposer les caractéristiques comportementales du Trouble Etat Limite ainsi que les idées reçues des soignants à son sujet, et ensuite de présenter le GPM (GOOD PSYCHIATRIC MANAGEMENT), modèle de thérapie de ce trouble, initié en 2015 par John Gunderson à Boston, s’inspirant des traitements fondés sur la preuve, en vigueur depuis les années 90. (DBT, MBT, TFP…).   La gestion du risque suicidaire ainsi que l’usage des traitements médicamenteux dans les comorbidités très souvent associées à ce trouble ont été également abordés.

La pathologie borderline, ou TPL, est encore mal soignée bien que très répandue puisqu’elle concerne 1 à 3 % de la population et 20 % des consultations en psychiatrie, en ville ou à l’hôpital. L’hétérogénéité des symptômes, la sévérité des cas avec ses comportements auto destructeurs allant jusqu’à la tentative de suicide, expliquent que des psychiatres ne s’engagent qu’avec réticence dans l’accompagnement de ces personnes, ou en prescrivant des traitements pharmacologiques qui sont unanimement reconnus comme inefficaces. Pourtant, le credo de la GPM est qu’il est possible de permettre à ces patients de vivre une vie meilleure en quelques mois, ces personnes étant souvent en grande souffrance, et ressentant un profond sentiment d’abandon et de vide intérieur. Hypersensibles, impulsives, d’humeur instable, tantôt attachantes tantôt agressives, elles sont sujettes à des colères intenses, à des comportements auto dommageables, comme l’automutilation, l’abus de substances addictives, les achats compulsifs, autant de conduites qui vont de travers pour calmer leur angoisse. Il s’ensuit que de fil en aiguille, elles font le vide autour d’elles, et que les tentatives de suicides ne sont pas rares. De surcroît, les borderline sont réputés rebelles et résistants à tout traitement basé sur une relation stable et apaisée avec un thérapeute.

Former pour éviter la stigmatisation

Cette stigmatisation, provoquée par leurs comportements, complique le traitement, car elle se surajoute à la mauvaise image qu’ils ont d’eux-mêmes. Ils peuvent avoir parfois le sentiment qu’ils méritent ce qui leur arrive, parce qu’ils estiment être de mauvaises personnes. En effet, les intervenants ont insisté sur le fait que la stigmatisation du trouble, les idées reçues sur la difficulté de traitement, et aussi le manque de formation des soignants, participent à l’évolution défavorable des symptômes, car ces comportements destructeurs de la relation sont les symptômes inhérents à ce trouble psychiatrique, et c’est un contresens de les interpréter comme le refus d’une vie relationnelle harmonieuse.

Comme l’explique John Gunderson, cité en introduction, « les patients borderline sont en droit d’attendre que les personnes qui les soignent soient adéquatement formées à le faire », d’où la genèse de ce congrès de Versailles. Le docteur CHARBON, je le cite, « automutilations, actions et menaces suicidaires, relations instables, dévalorisations, états dissociatifs sont les meilleurs indices d’un TPL, et sous traitement adéquat, ces symptômes aigus se résorbent en 6 mois. Cette réduction des symptômes est fondatrice pour la re-moralisation du patient, ce qui contribue à la motivation pour un plan de traitement plus long ».

En effet, selon lui, la stigmatisation des patients TPL, est corrélée à une méconnaissance des soignants et de l’environnement des mécanismes du trouble borderline, et par une prise en charge inadaptée, voire même contre-productive alors qu’il existe des approches thérapeutiques dont l’efficacité a été prouvée et qui devraient être intégrées dans la formation universitaire en psychiatrie.

Diminution de l’acuité des symptômes en quelques mois

Parmi ces traitements, la GPM, qui permet d’accompagner un patient, au fil de séances hebdomadaires, dans lesquelles s’installe une relation d’alliance et de psychoéducation. Ce climat de responsabilisation réciproque vers un but à atteindre, quand il est installé, permet d’observer en quelques mois une diminution de l’acuité des symptômes. Ce traitement est applicable par des soignants généralistes bien formés, sans pour autant devenir des spécialistes hospitaliers du trouble TPL.

Savoir annoncer le diagnostic

Le premier principe est que le patient doit être informé du diagnostic. « cela signifie que vous êtes né(e) avec une prédisposition pour le trouble borderline », est une phrase déculpabilisante, qui a des chances d’associer le patient au processus de gestion de son trouble, processus qui, au fil des séances, va s’appuyer sur le récit de son quotidien, sur la façon dont il interagit avec les autres et les conséquences que cela entraîne pour lui. Le guide de la thérapie, c’est la vie du patient, tout ce qui déclenche l’hypersensibilité et l’impulsivité de ses réactions.

Valider le vécu pour renforcer l’alliance

Au cours de chaque séance, le thérapeute doit se positionner comme un soutien, en « validant » les ressentis de son patient. Ainsi, un événement apparemment anodin qu’il interprète comme un rejet, une humiliation ou une injustice, doit être accueilli sans jugement comme une réalité, puisqu’il le ressent ainsi. Dans cette écoute centrée sur le récit du patient, le thérapeute doit être actif plutôt que réactif, c’est-à-dire qu’il doit anticiper l’hypersensibilité de son interlocuteur, et choisir des attitudes à même de renforcer l’alliance et éviter celles qui risqueraient de renforcer un sentiment de rejet ou d’abandon toujours à fleur de peau. En toile de fond de cette écoute, le thérapeute peut avoir en grille de lecture le mécanisme des 4 états d’attachement distincts internes au patient TPL, le passage d’un état à l’autre étant chez ce dernier extrêmement volatile. Ces 4 états sont :

1/ l’attachement à l’autre, la connexion
2/ la menace, la déception, la peur d’être rejeté ou abandonné
3/ le sentiment d’isolement, d’abandon
4/ le désespoir.

Responsabiliser le patient

Pour que l’attachement avec le thérapeute fonctionne bien, ce dernier doit en premier lieu responsabiliser le patient sur l’alliance contractuelle, le cadre, l’assiduité aux séances, et sur le travail inter-séances, contrepartie d’une recherche commune d’un but précis à atteindre en trois mois (dans l’assiduité par exemple), puis vers un but progressivement plus large (avoir des relations apaisées au travail, dans sa vie affective et avec les proches…). La réussite de cette phase d’alliance thérapeutique va être déterminante et permettre au sujet de se construire une meilleure image de lui, et d’en observer le résultat bénéfique. Les indicateurs de progrès sont la participation active du patient, sa mise en pratique des conseils psychosociaux, le courant de sympathie avec le thérapeute, la diminution des comportements auto dommageables.

Un très bon pronostic de rémission

Dans le process GPM, cette amélioration est donc observable dès la première année de traitement, voire en six mois, faute de quoi, « ce qui ne marche pas doit être changé », affirmation qui fait partie du process d’un traitement qui se veut pragmatique avant tout.  La perspective de rémission du trouble est constatée pour 10% des patients dans les 6 mois de traitement, 25% au bout d’une année, 45 % après deux ans, et 85% à 10 ans, avec en toute hypothèse une atténuation des symptômes lorsque le jeune avance dans l’âge adulte.

Un colloque qui m’a donné espoir

N’étant ni psychologue ni psychiatre, je ne suis pas en situation de confronter les propos des intervenants par une proposition thérapeutique alternative du trouble TPL, mais je peux dire que ce colloque m’a donné l’espoir de voir émerger dans le monde médical une approche plus consciente des enjeux de cette maladie si traumatisante pour la personne et ses proches.

L’environnement social, et particulièrement la famille au sens large, constituent le terreau dans lequel chacun évolue, ressent des émotions et agit en réaction, et il est donc primordial qu’une personne souffrant d’une dérégulation sévère de la gestion de ses émotions soit protégée de son incapacité à les canaliser et accompagnée pour se délivrer de son impulsivité mortifère. J’ai évidemment regretté que le diagnostic de mon enfant n’ait été posé qu’à l’âge de 25 ans, et que nous n’ayons connu mon épouse et moi l’association Connexions familiales que 10 ans plus tard, combien d’erreurs auraient pu être évitées !

Marc Aubonnet